Sois gentil. Cesse de te plaindre.

Sois gentil

Essuie tes larmes
Arrête de renifler
Cesse de te plaindre

Et surtout
Tais toi

C’est fou ce que tu peux être bruyant
Pour quelqu’un qui n’a rien à dire

Oui
La vie n’est pas facile
Tu l’as déjà dit

Trop dit
Beaucoup trop

Tu parles comme une marée noire

On a beau faire comme si de rien n’était
On en a les ailes qui collent

Et tu sens presque aussi mauvais, lapin
C’est l’alcool d’hier ou celui de ce matin ?

Tu m’étonnes qu’elle soit partie
Si tu lui parlais d’amour
Comme tu parles de ta vie

Et non
Ne me dis pas comment tu la baisais

Ca doit être
bandant
Comme une messe des morts
Vue du cercueil

Et pourtant c’est leur fête, ce soir, aux morts
Tu le savais, toi, qu’on leur fait leur fête
Au morts ?

C’est un peu ta fête aussi alors
Mais là, c’est toi qu’es baisé
Et en beauté

les morts
tu sais
Ceux qui ont appris à se taire

Qui ont enfin cessé de geindre
Qui ont enfin mis
Le conditionnel au passé

Nous épargnant
Leurs j’aurais du
Si j’avais pu
Ce que j’avais voulu
Et patati et patatra

Le grand mess des morts

Enfin fini
Pour toujours

Quoi ? Pas toujours ?
Tu crois à la réincarnation, toi
Bien sûr.
Allez tiens.
Allez, tiens !
Prends une autre cigarette

Pas besoin de vouloir fumer
Fume. Juste. Fume.

Tu verras, c’est plus supportable comme ça
La vie
Derrière un écran de fumée

Ca évite les débats inutiles
Flous comme tes raisons de vivre

Ca empêche pas de dire des conneries, note

Quoi, quoi, mon Dieu
Quoi fou ?
Mélange pas tout
C’est quoi la folie ?
Croire que Dieu existe ?
Ou croire qu’il n’existe pas ?

Tic tac. Pas de réponse ?
Bonne réponse
Qu’il existe ou pas, Dieu s’en fout
Il me l’a dit hier soir

Et Dieu n’est pas philosophe
Il laisse ça à ceux qui
Vivent toujours aujourd’hui
Avec la nostalgie d’hier

Non, je suis pas saoul
Pas mort non plus
Si tu veux savoir
Ou moins mort que toi

La fête des morts
Tu te rends compte

Je n’en reviens pas
Et eux non plus remarques
Quoi que tu en dises

Les morts
Tu n’aimes pas parler de ça, hein

Tu préfères que j’effleure le sujet
Mais dès que je coupe dedans
Tu te tends
Va savoir pourquoi

Pas parler de la mort ?
Faut pas ?
Ah

Pourtant tu parles beaucoup de Dieu
Et il n’est toujours pas là
Alors on ne risque rien, tu vois
Tout le monde s’en fout
De ce que tu racontes

Surtout la mort
Elle n’écoute pas, elle
Elle attend

Simplement
Sobrement
Tranquillement

C’est la mort

Elle a le temps
Elle en a même tellement
Qu’elle le tue

Perpétuellement

A son rythme

Qui ressemble
A s’y méprendre
A celui d’un homme

Mort

Mais n’en parlons pas
D’accord

Ne parlons pas de ce qui dérange
Ca ne se fait pas

En occident
Lorsqu’on ne veut pas parler de quelque chose
On le fête

On n’ose plus parler de la famille
Pas de problème, il y a noël

Pour la mort, c’est encore meilleur
On la fête déguisés
Pourquoi ?
En espérant qu’elle ne nous reconnaîtra pas ?

Moi, je sais pas
Demande aux américains
C’est eux qui s’éclairent avec des citrouilles
Pour accueillir la mort

Ou avec des avions
Mais ça, c’est l’immigration

Et je sais
Ca non plus on peut pas le dire

Ont dit pas
Les américains
Ni les juifs
Ni les noirs

On dit les autres
Et on ne généralise pas

Sauf quand on parle des méchants
Là, c’est les terroristes

Enfin
Ceux qui ne regardent pas la télé quoi

Ceux dont les paraboles
Sont en voie de développement

Ne me demande pas pour Pâques
Je sais pas
Les lapins et les cloches moi, tu sais

J’aime mieux les cultes païens
Mais que veux-tu
Eux aussi se sont déguisés
En images pieuses

Alors je ne sais plus qui est qui
Mais ça tombe bien
Puisque c’est une fête déguisée, ce soir

Anonyme
Comme ta vie ?

La mienne. Ah oui, aussi
Mais moi, je m’en fous

Je suis orphelin
Alors tu sais
L’anonymat
L’orphelinat
C’est un peu la même chose

L’orphelinat, c’est
L’alcoolisme des enfants

Un moyen d’oublier
Quelque chose
Dont on ne se rappelle plus

Alors les déguisements
Tu penses
C’est comme une deuxième peau

J’ai passé ma vie à faire semblant
D’être quelqu’un d’autre
Sans même savoir qui j’étais
Moi-même

Même si tu m’avais connu
Tu ne me reconnaîtrais pas

J’étais beaucoup plus petit
Avant
Je rigolais et je têtais
Maman

Avant

Mais parlons un peu de toi

Quoi

Tu n’as plus rien à dire ?

Tu n’as pas arrêté de te plaindre
Et maintenant que je te demande ton avis
Tu fais la carpe

Merde

C’est la fête des morts
Allons

Tu dois bien avoir un mort à fêter
Un parent, quelque chose

A voir comment tu regarde les vivants
Tu dois connaître beaucoup de morts

Tu regardes
Comme on insulte

Tu toises
Au lieu de saluer

Heureusement qu’elle t’a quitté
La donzelle

La pauvre

Si tu regardes les inconnus comme ça
Je veux pas voir ton intimité

C’est pas pareil
Ah ?

Pas le temps
Bien sûr
Futilités ?
D’accord

Et tes parents
Quel âge ont-ils ?
L’age de léguer ?

T’inquiètes pas
La prochaine calicule n’est pas loin

Tu les aimes, tes parents ?
Je suis qu’un salaud ?

Arrête de remuer des évidences

Ca ne se remue pas, les évidences
Si on veut pas remuer la merde
Qui repose au fond

Tu sais, au fond
Dans la fosse

Sceptique

Et crois moi
Tu veux pas me remuer

Cette fille alors
Si elle était restée

Va savoir
Tu lui aurais collé un marmot

Je dis pas un enfant
Pasqu’avec la couche que tu tiens
Il quitterait l’innocence
En même temps que le cordon ombilical

Et les enfants ont droit à un répit
Avant de rencontrer des gens comme toi

A moins que je ne l’aide à devenir orphelin
Avant même que tu le conçoive

Ce serait une solution
Pour lui comme pour toi

C’est triste
Je te l’ai dit, je sais de quoi je parle

Mais peut-être la solitude
Parfois
Est-elle un moindre mal
Même pré utérine

Je te sens de plus en plus tendu, tu sais

Tu deviens tout blanc

Mais non,
Je vais pas te tuer
Enfin, peut-être que si
Au fond

Après tout ce que tu viens de me dire
C’est peut-être mieux
Tu crois pas ?

Non

Tant pis

De toutes façons
Si j’ai bien compris
Tu n’y es pour rien, hein
C’est jamais toi qui décides
C’est la vie
Hein dis

La vie
décide à ta place

Ce n’est pas de ta faute
Ce n’est la faute de personne

Dommage que le diable soit mort
Il t’aurait adoré

Mais même le mal absolu
Abdiquerait devant ton indifférence

Allez tais-toi va

Y’a une sécurité
Sur ce modèle
A moins que
Attends voir

On peut essayer

Et si y’en a pas
Ben
Ces sera pas de ta faute

Comme d’habitude

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Si tu te sens une âme de chercheur