Elle courait dans la neige

Elle courrait dans la neige. Simplement. Elle courrait dans la neige, et soudain j’ai compris pourquoi la montagne est si belle. Elle est si belle parce que des jeunes femmes aiment encore courir dans la neige, longtemps, en grandes enjambées dans les champs inexplorés. Par une nuit d’hiver, par une douce pluie de flocons, la montagne devient une lune où la jeune femme peut faire ses premiers pas, où elle devient un Amstrong en tailleur redessinant au loisir de ses pas la géographie des champs.
Prenez le lieu où vous êtes, celui où vous allez, et tracez entre les deux le plus long chemin possible. Coupez à travers champs, sautez les rivières, descendez, en courant, les chemins sinueux, perdez-vous, regardez en arrière, vous venez d’écrire un poème. Pas irréguliers, légers ou profonds, en ligne droite ou en crabe, longues glissades sur les pentes glacées, autant de rimes impensables aux pieds espiègles, autant de raison de continuer à se perdre pour se retrouver. Regardez le ciel. Vous ne voyez rien. C’est normal, vous avez des flocons plein les yeux. Ce soleil de nuit vous éblouit plus sûrement que le plus tropical des soleils. Il fait danser dans votre regard les lueurs nocturnes, vous fait découvrir au travers de ce cristal éphémère une nuit kaléidoscope où l’immensité des blancs se découvre en prisme. Regardez les arbres, là, et là, il y en a partout, camouflés sous des petits murs blancs bâtis par un ciel farceur sur chacune de leurs branches. Attendez la jeune fille, souriez-lui, sous l’arbre, puis jetez vous sur la plus basse des branches. Secouez-la. Vous venez de créer une pluie de neige. Elle vous sourira, puis, portant négligemment la main à ses cheveux se découvrira bonhomme de neige. Bataille de neige. Roulade. Vous voici deux masses blanches courant dans la neige, à la recherche du prochain champ vierge, de la prochaine lune à découvrir, écrivant sans le vouloir le prochain quatrain du poème de la vie.
Regardez devant vous. Le chalet est là, tout près, qui vous attend avec ces provisions de bûches n’attendant qu’une allumette pour crépiter de vous voir. Rentrez. Précipitez-vous sur votre vêtement le plus agréable, le plus doux, ou, mieux, précipitez-vous sur une couverture. Couvrez-la, couvrez-vous, puis lentement allez à l’âtre, jetez-y quelque bois, une allumette. Faites cuire de l’eau, faites du thé. Allongez-vous près, tout près, plus près, de la mordante chaleur. Jetez un œil, ravi, au dehors, l’averse blanche continue, recouvrant les dernières traces qui vous ont mené là. Effaçant le furtif instant. Mais bientôt quelqu’un d’autre courra là, gravant pour un instant sa propre prose.
Regardez l’âtre, regardez-la. La nuit est là qui vous attend, avec son cortège de souvenirs et de plaisirs. Bonne nuit

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