quatre

– C’est grand chez toi. Et l’immeuble est bien calme. On dirait que tu es le seul locataire.
– C’est le cas. Mon père m’a légué le bâtiment pour que je puisse jouer sans importuner les voisins. Il voulait m’offrir une maison à la campagne, mais je n’ai pas voulu. Je n’aime pas trop la campagne. Ca manque de voisinage…
– Paradoxal.
– Pas vraiment.
Il la prend à la taille, l’assied sur le piano, s’enfuit un instant. Revient avec les ingrédients nécessaires au thé et à un feu de cheminée. S’installe sur le tabouret au cuir grinçant, sort leur partition commune de sa poche. Joue.
Elle l’écoute. Ne dit rien. Cela dure longtemps. Très longtemps. Sous elle, Eve sent le piano, la musique, les accords se déclarant comme autant de caresses. Les vibrations, naissant de la pression de Natan sur la touche, viennent mourir sur les généreuses formes de la douce.
Ils communiquent. De bien belle façon.
Soudain, au moment où la nuit s’y attend le moins, elle se met à chanter. Il continue à jouer.
Le temps, mélomane dans l’âme, s’est arrêté. Assis près d’eux, il écoute.
La voix d’Eve se fond dans les accords du piano, les embrasse, s’éloigne, revient, caresse, frappe, taquine. Elle est vent, brise, souffle. Elle est le chuchotement d’un enfant à l’oreille de sa mère.
Nul ne saurait dire combien de temps ils ont joué. Le temps ne leur a pas dit. Trêve. Elle, n’a chanté qu’un refrain. Toujours le même. Les quelques mêmes mots, sur toutes les gammes, de la joie du coeur à la mort de l’âme.
Lorsque enfin, repus de sons, ils prennent congé de l’instrument, se rapprochent de l’âtre, du lit abandonné là, et que, silencieusement, ils s’enlacent, le temps, chaste, s’éloigne.

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