Les enfants ont cent ans
A eux tous
Les parents sont assis sur le toit
En bas les enfants jouent
Ensemble
A regarder la télé
Le four micro-onde
Prépare à manger
Sous les yeux des parents
La ville
Dans leurs yeux
Les yeux de l’autre…
Ils entendent la foule
Au loin
Ils se tiennent la main
Sans y penser
Comme pour s’assurer
De la présence de l’autre
Ils essaient de se rappeler quelque chose
Quelque chose de diffus
D’impalpable
Quelque chose qu’ils se sont efforcés
De ne pas oublier
Une promesse
Faite par une nuit d’été
Ils se serrent la main comme on prie
N’osant rien dire
N’osant rien demander
Ils sont assis, là, sur le toit,
Attendant
Ils regardent le soleil se coucher
Sans même le voir
Ils ne voient pas non plus
Les reflets
Dans les eaux calmes du lac
Les êtres de nuages
Se transformant
Au gré des vents
Les tuiles de la vieille ville
S’empourprer à l’idée
Des infidélités de la nuit
La femme, sur son balcon
Apprêtant une table joyeuse
Pour le retour de son compagnon
Ils ne voient plus le monde
Qui vit sous leurs yeux
Il doit être trop grand
Ou trop lent
Pourtant
Ils l’ont aimé, le monde
Ils l’ont même tellement fêté
Qu’ils lui ont offert
De nouveaux spectateurs
Avant qu’eux ne deviennent
De simples figurants
Dans le grand jeu du temps
Eux qui ont arrêté de courir
Et qui cherchent
Perdus sur leur toit
Leur promesse d’autrefois
Eux qui
Loin d’offrir
Les enfants qu’ils étaient
A ceux qu’ils ont mis au monde
Les noient d’absence
Les perdent
Dans les reflets cathodiques
De la réalité
Eux qui ont oublié
Qu’aucun coucher de soleil
Ne se découpe
En grille de programme
Que la souffrance
Ne vit pas entre deux plages de pub
Qu’un instant
N’est pas que du temps
Qu’il n’est pas fait que d’images et de sons
Qu’un instant
Ne se décline pas
En deux dimensions
Que la mort pue
Que la tristesse se tait
Et que l’amour se touche
Eux qui ont oublié
Que la terre a mille visages
Et que seules les ombres
De ses ombres
Passent au vingt heures
Eu qui ont oublié…
A tant se tenir informé
Eux qui ont oublié…
Que savoir est accessoire
Que comprendre est illusoire
Et que le partage n’est pas un pêché
Mais eux qui pourtant
Assis sur leur toit
S’aiment comme on premier soir
Sans savoir pourquoi
Ils restent ainsi longtemps
A zapper leurs souvenirs
Ils restent si longtemps
Qu’à la fin
Dans le salon
Leurs enfants se sont endormis
Enivrés de trop d’images
Ne reste qu’eux
Assis sur la mire
De leurs souvenirs
Se tenant la main
Comme deux enfants
Comme deux parents
Comme deux amants
Se tenant la main
Comme on tient une promesse